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Artsphalte

"À chaque âge son art. À chaque art sa liberté"

Les articles

Le métier de photographe : “éloge de la technique”

Depuis l’essai Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie dirigé par Pierre Bourdieu, et l’enquête sociologique de Barbara Rosenblum Photographers at work. A sociology of photographic styles, publié en 1978, seules subsistent des études partielles concernant le métier de photographe. Pourtant l’arrivée du numérique et d’Internet a profondément modifié la manière de travailler du photographe, à la fois dans ses outils de travail et dans la diffusion de ses images. Il fallut attendre 2014 pour que le sociologue Sylvain Maresca propose d’analyser la manière avec laquelle le numérique modifie les relations de travail du photographe, et comment le numérique a eu un impact auprès de ses clients, de ses collègues, de ses partenaires ou concurrents.

Les conséquences du boitier numérique analysées par Sylvain Maresca

Avant les années 1980, le photographe était un élément parmi d’autres de la chaîne graphique. Selon les clients et les montages demandés, la phase de post-production pouvait être d’un prix élevé car elle pouvait impliquer les divers métiers de cette chaîne, allant du graphiste aux scannéristes. Jusque dans les années 2000, les photographes sont restés attachés à l’argentique et très peu ont utilisé le numérique. Un grand nombre d’entre eux pouvaient toutefois faire scanner leurs fichiers argentiques qui ensuite étaient numérisés et archivés sur un disque compact (CD) par le biais d’un laboratoire proposant ce service. En réalité, l’argentique disposait d’une certaine marge face au numérique puisque le plus performant des appareils de Kodak proposait une résolution de 4 millions de pixels et le film Kodachrome 120 présentait quant à lui 64 millions de pixels. L’appareil photographique numérique était donc encore un objet inutile voire régressif pour les professionnels… (en savoir plus)

Références

Bourdieu Pierre, Un art moyen. Essai sur les usages sociaux de la photographie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1965.
Rosenblum Barbara, Photographers at work. A sociology of photographic styles, New York ; Londres, Holmes & Meier Publishers, 1978.
Maresca Sylvain, Basculer dans le numérique. Les mutations du métier de photographe, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Le sens social », 2014.
Noirot Julie, « La machine délaissée dans la photographie contemporaine », L’art et la machine. L’image appareillée, [Intervention pour colloque, 16 octobre 2015, Musée d’Art moderne et contemporain, Saint-Étienne].
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Car crash studies. Les belles mortelles de Raffael Waldner

Si les images du photographe Suisse Raffael Waldner oscillent entre genres documentaire et artistique, sa série dénommée Car crash studies questionne la dimension mythique qui hante l’automobile de luxe et ce, qu’importe son aspect. L’artiste ne s’attarde pas sur l’histoire des entreprises et ne tente pas de retranscrire la chronologie des accidents. Il propose plutôt une typologie de vestiges et dresse une collection impressionnante des traces causées par le choc.

Memento mori

Clair-obscur, flash et voitures croppées, sont des balises qui autorisent un rendu photographique énigmatique à la hauteur de ce que représente ces marques de voitures luxueuses et sportives dans l’imagerie populaire. Toutefois, elles soulignent également les lignes d’une carrosserie pliée telle une fragile boule de papier. Elles retranscrivent avec force la sensation de compression et immortalisent à jamais griffures de peinture, pneus éclatés et pare-brise pulvérisés. Cette mise en scène permet alors une double lecture. En effet, la voiture de luxe incarne bien plus que la seule liberté. Elle désigne la sécurité apparemment absolue de l’argent, avec toutes les idées de confort ou de contrôle qui émanent d’elle. Pourtant, qu’il s’agisse d’une Porsche, d’une Lamborghini, d’une Aston Martin ou même d’une Jaguar, aucune n’a pu échapper à son destin, lequel fût expédié dans une casse après un crash inévitable. Ainsi, la voiture accidentée pointe la dimension illusoire et transitoire du pouvoir et il est possible de voir les photographies de Raffael Waldner comme des memento mori. Des vanités d’autant plus visibles car bien que l’artiste ne montre aucun corps (cf. : Arnold Odermatt), sa lumière artificielle crée un arc de tension continue et contient la froideur métallique de la mort. Même ses images les plus abstraites suintent la réalité matérielle de la perte arbitraire. (En savoir plus)

Références

Raffael Waldner, Car crash studies. 2001-2010, edit by Christophe Doswald, 2010.

raffaelwaldner.com

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Catherine Leutenegger sur les empreintes de Kodak

Sur une période de six mois en 2007, puis en 2012, la photographe suisse Catherine Leutenegger part sur les traces du déclin de Kodak au sein de la ville de Rochester [1]. Également surnommée « Kodak City », la ville est indissociable de fondateur de l’entreprise Eastman Kodak Corporation (1881), un certain George Eastman. Ce dernier avait en effet œuvré pour la ville de Rochester en finançant une école de musique, un orchestre symphonique, un théâtre, une école de médecine et aussi, un hôpital à l’université de la ville. Très vite, grâce au rayonnement de Kodak, Rochester voit fleurirent restaurants, hôtels, salons de coiffure, vendeurs d’automobiles et autres commerces indépendants. Pourtant, les images en couleur de Catherine Leutenegger présentant les vues de la ville avec ses routes, ses boutiques ou encore ses parkings par exemple, s’opposent à cet âge d’or. Dans ses images, les rues sont presque vides. Certains commerces sont fermés et recouvrent leurs vitrines avec des plaques de bois et des bâches. Kodak City est à l’agonie.

Outre certaines références stylistiques de ses photographies, le but de Catherine Leutenegger n’est pas de porter un regard critique sur la société américaine [2] et son potentiel racisme actuel (cf. : Robert Frank), mais de réaliser un enregistrement photographique proche de l’hommage historique suite aux conséquences de la crise de Kodak. Pour se faire, Catherine Leutenegger utilise pour ses images une pellicule Kodak. Autrement dit, elle réalise une sorte de mise en abîme puisque ses images sont faites avec l’objet produit par son sujet. Certes, la thématique de Kodak touche Catherine Leutenegger de manière logique, mais ce choix est d’autant plus habile qu’il reste relativement rare alors que la prospérité, tout comme le déclin, de Kodak ont littéralement métamorphosé la photographie et au-deçà, le métier même de photographe [3].(en savoir plus)

Références

[1] Leutenegger Catherine, Bader Jörg, Coleman Allan Douglas, Stahel Urs, Kodak City, Heidelberg, Éditions Kehrer, 2014, p. 38.

[2] Frank Robert, Les Américains, Paris, Delpire Éditeur, 1993.

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The Bikeriders : les Outlaws de Chicago

Qu’il s’agisse de motards (The Bikeriders, 1968), de prisonniers du Texas (Conversations with the death, 1971), de militants pour les droits civiques (Memories of the Southern Civil Rights Movement, 1992) ou d’Indiens (Indian nations, 2002), les sujets du photographe Danny Lyon demeurent les outsiders de la norme sociétale américaine.

Tournant des années 1950, la moto est escortée par l’avènement du rock’n’roll aux sons de plus en plus rugueux, pour devenir symbole de liberté et de protestation. Les rugissements des moteurs ne sont toutefois pas les seuls à perturber le calme des villes et dans les années 1960, les cuirs noirs désormais rependus dérangent le citoyen bien élevé. La figure du motard devient un phénomène et est récupérée par Hunter S. Thompson pour son livre Hell’s Angel puis plus tard, par Dennis Hooper pour Easy Rider. Visages crasseux aux sourires édentés ou coiffés de la mythique banane laquée, tous les riders ornent leurs bras de tatouages et leurs vêtements de breloques tape-à-l’œil. Quant aux gangs ou clubs, ils rivalisent de bon goût pour trouver leurs écussons toujours plus agressifs. (en savoir plus)

Références

Les expositions d’Artsphalte

Birds/Olivier Metzger

Old Glory/Ronan Guillou

Des espaces autres/M.Bertéa

Elles/Nadia Diz Grana