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ELLES

Épouse parfaite, mère modèle, femme au foyer, maîtresse, ou simplement femme sans attaches et indépendante… Les identités féminines se veulent plurielles à l’heure où l’émancipation du « sexe faible » connaît ses balbutiements dans la société française. L’exposition « Elles » présente des collages de Nadia Diz Grana dans lesquels les personnages féminins se réclament de toutes ces définitions à la fois. L’artiste nous propose une immersion dans les méandres intérieurs du féminin au moyen d’associations d’images de personnages et paysages insaisissables.

Nadia Diz Grana livre des collages qui se révèlent pour elle synonymes de liberté créative. Le collage lui permet de réunir des genres ainsi que de confronter des univers spatio-temporels éloignés donnant un style rétro contemporain à ses compositions hétérogènes.

Il s’agit souvent de représentations féminines à l’aura particulière, touchées par une forme de mystère mélancolique dont le regard ou la posture gracieuse l’interpellent, et qui sont intégrées à un nouvel environnement avec lequel elles entrent en résonnance. Aussi, de grands espaces souverains et des ciels étoilés ou nuageux (dont le noir et blanc ou la gamme de couleurs peut être retravaillé) sont associés à des architectures et objets divers, que viennent enrichir des formes géométriques structurantes et des arrière-plans colorés en aplat. Si ces personnages féminins obéissent au canon de beauté des années 50 et 60 par leur allure glamour sophistiquée comparable aux héroïnes des films hitchcockiens, ils apparaissent ici telles des divinités gigantesques grâce à leur insertion dans un nouveau contexte. Débarrassées de leur basse condition terrestre, ces déités modernes sont traversées de paysages, tout aussi divers que leurs personnalités et émotions multiples sur lesquelles elles semblent avoir tout pouvoir.

Le geste créatif d’agencement de Nadia Diz Grana, souvent instinctif et spontané, parfois plus étudié, participe à la recherche d’une « élégance précise » dans la composition.

Dès lors, une introspection se matérialise littéralement par des mises en abyme, des jeux visuels de plein et de creux, de formes et de contre-formes sur les silhouettes dédoublées, aux parties du corps manquantes ou fragmentées, qui laissent entrevoir par transparence les chemins de l’invisible à travers une fenêtre entrouverte sur des paysages intérieurs. Selon l’artiste, « Dédoubler un visage revient à parler des différentes facettes d’une même personne ; comme autant de miroirs dont le reflet fragmenterait l’image pour laisser filtrer différentes strates de sa personnalité ».

De cette façon, les travaux de Nadia Diz Grana font écho aux collages dadaïstes, comme ceux de Max Ernst, pour qui cette technique consiste à « exploiter la rencontre fortuite ou produite de manière artificielle entre deux ou plusieurs réalités distinctes sur un plan qui n’y semble pas approprié — et l’étincelle de poésie, qui surgit du rapprochement de ces réalités ». (Notes biographiques, 1919.)

Dans les compositions de Nadia Diz Grana, les images subissent un dépaysement par leur découpage puis leur insertion dans un autre contexte. Leur mise en rapport sur plusieurs plans imbriqués à différentes échelles, crée alors un ordre énigmatique nouveau, génère une organisation inédite et originale, loin du sens initialement convenu, où cohabitent des niveaux de réalités partielles qui s’entrecroisent. Dans quelle dimension nous trouvons-nous alors ? René Magritte qualifie cette sensation étrange d’« existence simultanée dans deux espaces différents […], semblable à l’existence à la fois dans le passé et dans le présent d’un moment identique ». En outre, ses bribes d’images se télescopent comme si nous parvenions à accéder au psychisme de quelqu’un, alors que son esprit vagabonde dans son sommeil ou hors de celui-ci, et qu’il nous faudrait reconstituer le fil de ses pensées fugueuses pour le saisir. Par cette dimension onirique et atemporelle chère aux surréalistes qui vise à rendre les « impossibles possibles » dans un ailleurs chimérique et enchanteur, c’est toute une poésie de l’espace mental qui se recompose.

Avec « Elles », Nadia Diz Grana nous invite à plonger dans les tréfonds de l’intériorité féminine, par-delà ses complexités et ses silences hurlants, à exhumer tous les petits secrets enfouis, souvenirs lointains et obsessions qui la fondent. À l’aide d’une diversité graphique envoûtante, elle nous convie à découvrir ce que les êtres convoitent et ce qu’ils abhorrent, à attraper en plein vol les pensées qui les traversent, à explorer la jungle abyssale de leurs émotions et désirs les plus intimes, et à sonder les profondeurs de leur âme, ses grandeurs et ses fragilités, au cours d’un voyage aux confins de leur monde intérieur.

Laurène Gattet

À propos de Nadia Diz Grana

“Pour Nadia Diz Grana, rien ne se perd, tout se coupe, se copie, se colle. Mi-espagnole, mi-française, diplômée de l’École des Arts décoratifs strasbourgeois (en 2002), la graphiste indépendante pioche sur la toile ou dans des magazines pour en illustrer d’autres. Des pages de presse aux affiches de structures culturelles, ses images font souffler un vent punkodadaïste dans les kiosques et les rues.

Comme chez Linder Sterling, créatrice associée à l’univers de Buzzcocks, le corps y est aussi souvent présent : il est glamorisé, en mutation, se fondant dans un sommet montagneux ou dans des cieux, parmi volutes de fumée nicotinée et nuages ouatés.

Bercée par l’exubérance baroque des films d’Almodovar, Nadia trouve principalement son inspiration iconographique dans le rock et la retro culture. Ses associations proposent une nouvelle lecture de l’image, tour à tour poétique, étrange ou politique comme autant de facettes de ses paysages intérieurs. “

E.D 

 

Nadia Diz Grana

Née en 1977 à Annecy
Vit et travaille à Strasbourg

Graphiste, illustratrice et iconographe de métier, Nadia Diz Grana réalise ses premiers collages à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg où elle se spécialise dans la communication graphique. Elle monte ensuite son propre studio de graphisme avec Mickaël Dard et travaille pour de nombreux acteurs culturels. Depuis 2015, elle se consacre presque exclusivement à son œuvre et à la réalisation d’images pour la presse. Son œil avisé d’iconographe et ses talents d’illustratrice lui valent des collaborations régulières avec des magazines et journaux tels que L’Obs, Libération, Télérama, Les Inrockuptibles ou L’Express.

EXPOSITIONS

2020 / ELLES – Galerie Artsphalte – Arles, France
2019 / PAYSAGES INTERIEURS, Hôtel Graffalgar, Strasbourg
2018 / DES COLLAGES – Curieux ? – Strasbourg, France

ILLUSTRATIONS (COLLAGES)

2015-2020 / Les Inrockuptibles, l’Obs, Télérama, Libération, L’express, Le vif (Belgique), Datum (Autriche), etc.

GRAPHISME (Studio Diz&Dard)

2016-2020 / Strasculture, Strasbourg ; Outre Festival, Wissembourg; Salle du Cercle, Bischheim ; La Passerelle, Rixheim ; Nuit des Musées, Strasbourg ; Taps Théâtre, Strasbourg ; Cut édition, Strasbourg
2007-2016 / Fondation Claude Monet, Arte, Direction de la culture Ville de Strasbourg, Seppia, Magazine CUT Cinémas Star, Orchestre philharmonique et conservatoire de la Strasbourg, Alsatic TV, Espace Culturel Django Reinhardt, Shadok, Opéra et ballet national du Rhin, etc.

FORMATION

2018 / Formation voix Off avec Franck Pitiot
2002 / DNSEP Communication graphique, Ecole supérieure des Arts Décoratifs, Strasbourg
1993-1994 / Salmon High School Degree, Idaho, USA

La Galerie c’est par -> ici <-

Artsphalte a le plaisir de présenter les oeuvres de Nadia Diz Grana du 16 juin au 12 septembre 2020

N’hésitez pas à prendre contact

+33 (0)6 32 63 11 54 / artsphalte@gmail.com

8 rue des douaniers, Arles