Arts et ride
Un chien sur une moto, un autre montré de dos près d’une valise, des skateboards… Voici quelques bons prétextes pour relier deux photographes finlandais et plus rapidement, un artiste français, tous trois exposés aux Abattoirs de Toulouse. Notre goût pour les signes de la route ou du ride, ne résistera pas à ces réinterprétations plus douces et classiques, permises par le noir et blanc.
Des images qui ont du chien
Qu’elles aient été prises au Népal, en Inde, au Maroc, en Italie ou même en Espagne, il serait vain de chercher le soleil au sein des images des photographes finlandais Kristoffer Albrecht et Pentti Sammallahti. En ce qui concerne les images exposées à Toulouse, et bien que leur fond soit uni, gris et éternellement hivernal, elles ont toutes une atmosphère vaporeuse et poétique. Paysages neigeux ou paisibles lacs viennent servir de décor à des situations parfois incongrues, comme ce chien partant on ne sait où avec sa valise dans la gueule ou un chien, encore, assis sur une moto de façon si triomphante qu’il pourrait défier le snobisme d’Anubis. Quant au Scottich Terrier photographié par Kristoffer Albrecht, attend-t-il son maître ou l’a t-il définitivement quitté et fait sa valise pour une embarcation lointaine ? À ces détails anecdotiques dont les contrastes et volumes sont accentués par le noir et blanc, s’ajoute, pour chaque cadrage, une stabilité intemporelle et une élégante composition. Autrement dit, une manière d’approcher le paysage qui fait écho aux savantes compositions de William Henry Fox Talbot (1800-1877) et une façon de photographier l’anecdote qui rappelle le flegme d’Henry Cartier-Bresson (1908-2004). Rien de plus que des noms historiques ayant rythmés, on l’oublierait presque, la photographie documentaire. La finesse des cadrages et la non pertinence des sujets proposés par Kristoffer Albrecht et Pentti Sammallahti reposent l’œil et les images se consomment au gré de nos rêveries. Ces images conduisent vers un monde fait de plaisirs plus simples, plus épicuriens, et rappellent que oui, parfois la photographie ne peut être qu’une recherche graphique, esthétique, et c’est tout aussi bien ainsi.
Pro Skater Vs Minimalisme
Mais quel lien pourrait bien exister entre le minimalisme des années 1960 et le skateboard ? Voici un parallèle étonnant proposé par l’artiste français aux multiples casquettes, Raphaël Zarka, adepte lui aussi de grands classiques tels que Robert Morris ou Carl André. Avant tout Raphaël Zarka est un passionné, voire obsédé de la forme géométrique. Et pas des plus courantes comme par exemple, le rhombicuboctahèdre (à vos souhaits). Il traque les formes, les collecte, les photographie, les récupère ou les crée de toute pièce pour ses sculptures. Ici, l’une de ces sculptures à la géométrie complexe, côtoie des images noir et blanc de skateurs. Il suffit de regarder sur quoi ces derniers rident pour que le lien s’établisse tout seul : des formes minimales et lisses. Le noir et blanc des images récupérées par l’artiste permet de souligner ces formes avec leurs propres forces. Également inventé au cours des années 1960, le skateboard est une pratique populaire et urbaine qui a d’abord été testée dans les piscines vides de Californie par des surfeurs en mal de vagues. Le skateboard permet de glisser sur et dans ces espaces de béton en défiant les règles de l’apesanteur. Les skateurs ont finalement vécu physiquement ce que les artistes du minimalisme recherchaient. Un lien d’autant plus évident au regard de l’essai de Zarka, Free Ride : skateboard, mécanique galiléenne et formes simples (le nom est cool n’est-ce pas ?), publié en 2011 par les Éditions B42.
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