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Les évènements de début septembre concernant la mutation de l’usine de Belfort en Alsace par l’entreprise Alstom, pose des questions quant à l’avenir économique de Belfort. Une impression de déjà vu qui a de quoi mobiliser les commerçants de la ville, puisqu’on sait ce qu’il advient de celle-ci lorsque elle est délaissée par sa plaque tournante économique. Ce que l’on sait moins, c’est que les usines et les villes fantômes sont de véritables terrains de jeux pour de nombreux photographes contemporains. Voici donc l’occasion d’évoquer le rapport qu’entretien la photographie avec l’usine, à travers l’objectif de David Lynch.

La friche photographiées par Lynch

Plus connu pour son activité de réalisateur, l’intérêt de Lynch pour l’univers usinier se remarque d’abord dans les bandes sonores de Eraserhead (1977) et The Elephant Man (1980) qui font entendre un bruit sourd de martellement et de crissement de machine. Cette thématique est également visible dans deux de ses courts métrages, comme Industrial Soundscape de (2003) ou encore Bug Crawls de (2007).

C’est entre 1980 et 2000, entre la Pologne, l’Angleterre, le New Jersey et autour de Berlin, que David Lynch réalise sa série de photographies nommée Factory Photographs. Celle-ci illustre sa passion pour les usines et friches abandonnées. Un tel parcours rappelle l’immense projet du couple allemand Bernd et Hilla Becher, qui consacra sa vie à sillonner les sites industriels d’une partie du globe. Cependant, la série de Lynch est plus à l’image d’un goût en faveur de la ruine, laquelle pousse un grand nombre de photographe à partir sur les traces de paysages désolés.

Bien sûr, Lynch réinterprète le sujet avec l’univers qu’on lui connaît et il est facile de reconnaître son écriture dans ces images sans couleur ni brillance : des portes de métal, des espaces huileux, des plaques d’égouts fumantes, des fenêtres cassées et des usines noircies, accentuent une atmosphère fantomatique. Les images sont sombres et les espaces sont éclairés par des sources artificielles. Pourtant, ces lieux désertés ont l’air de prendre vie, comme si l’usine était devenue une entité vivante à part entière. Le squelette de l’usine semble être traversé par une âme qui rejouerait en boucle un passé, comme si celui-ci résonnait encore dans les murs. Bienvenu dans le rêve irréaliste et étrange de Lynch.

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David Lynch, Sans titre, Łódź, Pologne, 2000. Crédits photographiques David Lynch

Tout en montrant un état récent de leur histoire, les photographies offrent une sorte de capsule temporelle capable de voyager dans les vestiges d’un monde révolu : les ruines d’un temps où les usines étaient fièrement porteuses de progrès. Cette impression est appuyée par des angles en contre-plongée et des décadrages qui ont pour effet de déformer la perspective des structures et de retranscrire une sensation de vertige à l’instar des photographes de la Nouvelle Vision. Malgré le noir et blanc qui accentue le mystère des espaces, et malgré leur obscurité, les usines sont élevées, sous l’objectif de Lynch, au rang de cathédrale.

©ArtSphalte