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Le thème de l’identité est un vaste terrain à explorer pour l’artiste américaine Janet Biggs. La maladie d’Alzheimer en est le point de départ et la volonté de savoir quand ne sommes nous plus nous-mêmes, en est le starter. Sa vidéo Vanishing Point, réalisée en 2009, joint les images de la motarde Leslie Porterfield, détentrice du record de vitesse à plus de 375 km/h, roulant sur l’ancien lac salé de Bonneville dans l’Utah, avec les images d’un gospel situé dans un centre de réadaptation de toxicomanes à Harlem. Les voix du chœur, dont la chanson a été écrite spécifiquement pour la vidéo, se superposent aux plans de la plaine pendant la préparation de la motarde. Lors du départ, le chant laisse finalement place au bruit du moteur qui envahit l’image. Le grondement de la machine accompagne la disparition de la motarde dans le néant et ponctue la solitude comme seul alter ego.

Outre le titre de l’œuvre, le vaste désert blanc convoque le film de Richard Sarafian, Point limite zéro (Vanishing Point) de 1971. Le road movie culte, relate une course-poursuite dont le personnage principal est épris par la fièvre de la fuite au volant d’une Dodge Challenger R/T, emblème de la liberté. Quant à la ligne de fuite de Janet Biggs, elle nous emmène également dans cette quête de l’indépendance à travers le dépassement de soi et du corps. Le choix de traiter ces deux sujets en est même significatif. Le chœur ARC Gospel d’abord, parce qu’il fut fondé en 1975 par un ancien toxicomane dénommé James Allen et que la chorale se consacre désormais à la lutte contre l’addiction. Puis Leslie Porterfield ensuite, car avant de devenir la femme la plus rapide de l’histoire en 2008 et avant de briser tous les records l’année suivante, cette dernière s’était crashée en 2007 lors de sa première course au sein du légendaire Bonneville Salt Flats : sept côtes cassées, un poumon perforé et une commotion cérébrale.

Toutefois, la force de l’œuvre tient dans l’idée que rien n’a vraiment besoin d’être expliqué. L’horizon vaporeux du paysage salé est à lui seul une abstraction capable de retranscrire la perte, le regard conquérant de la motarde et sa silhouette filant droit délivrent une sublime métaphore de la détermination, et le chant puissant qui porte le tout restitue avec habilité la dimension d’espoir.

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